Béoogo Néere - Coopération Internationale Asbl

" Ensemble pour demain "

Belgique - Burkina Faso

Entretien avec Hortense Sombié

Hortense Sombié est coordinatrice pour la sécurité alimentaire et les moyens d’existence auprès de la Croix-Rouge du Burkina Faso. Elle nous a prodigué ses précieux conseils depuis l’élaboration du projet de cantine scolaire jusqu’à sa mise en service  où elle nous avait fait l’honneur de sa présence, en janvier 2017.

Elle avait alors partagé avec nous sa vision de la manière d’aborder la coopération pour la rendre efficace et durable.

 

« Par rapport aux changements, aux diverses évolutions que nous voulons obtenir, on doit savoir que le temps, l’allure qu’on veut donner aux choses, ne répond pas au même format de temps que nous avons, nous. Quand je dis « nous », je veux dire ceux qui sont instruits, qui disposent d’une certaine culture. Nous pensons que « nous » pouvons réaliser les choses dans un délai planifié, que d’aujourd’hui à après-demain, « nous » pourrons en arriver là.

Dans le contexte culturel, ici, au Burkina Faso, ce n’est pas comme ça. Il faut se doter d’une « patience » si on veut ne pas échouer. Si on veut aller trop vite, on force, on ne se fait plus comprendre et on choque.  Et il est important de ne pas choquer. Il faut savoir prendre les choses, les exprimer et les expliquer, démontrer, apprendre par l’expérience. C’est cela la meilleure formule.

C’est ce que j’ai appris personnellement, moi-même, lorsque j’ai commencé à travailler à la Croix Rouge avec l’entrain et la jeunesse de la jeune femme nouvellement sortie des études et venue faire la révolution auprès des femmes des campagnes… mais je me suis vite rendu compte que, non, cela ne marche pas comme ça.

 

Ici, je voudrais dire quelque chose de mon expérience, notamment avec la Croix Rouge espagnole, lorsque quelques fois j’y vais, invitée pour faire des conférences ou rencontrer et rassurer des donateurs qui nous accompagnent et chez qui il y a parfois une certaine impatience qui peut se faire ressentir quand on ne connaît pas le contexte dans lequel on travaille ici au Burkina. Il est important alors d’avoir une conversation claire, sincère et transparente sur ce que nous faisons parce qu’il y a une redevabilité qui est importante à démontrer. Parce qu’il y a de l’argent que l’on reçoit et, comme j’aime à le dire, ce n’est pas de l’argent « en trop », c’est une manifestation de solidarité malgré les difficultés qu’on a parfois à donner, on est cependant d’accord de partager et, pour nous, ici, ce sont des ressources chèrement acquises qu’il faut utiliser à bon escient. Il y a donc une petite impatience qui peut naître du côté des donateurs. Et lors de mes rencontres avec eux ou avec les municipalités en Espagne ou les gouvernements locaux, je leur explique comment et à quel rythme nous évoluons et qu’elles sont les évolutions qui sont acquises.

 

 

Premier jour de fonctionnement de la cantine scolaire le 17 janvier 2017 à Pissi. De gauche à droite Paul Calus, Hortense Sombié, Charlotte Mathy et Madame Nébié, formatrice pour l’utilisation des cuiseurs solaires

Il faut être « raisonnable », ne pas parler en terme de révolution mais d’évolution. Ce n’est pas la même chose. Dans une révolution, on chamboule tout, peu importe qu’il y ait des laissés pour compte, voire des écrasés, on continue avec les autres, avec ceux qui veulent ou peuvent suivre et, au final, le projet échoue. C’est un peu caricatural mais dans les faits c’est comme ça.

Quand on parle d’évolution, on accepte de se ronger les ongles, de souffrir, de pleurer, de se dire « ça ne va pas marcher ». Il faut persévérer, faire preuve de patience, adapter la progression au contexte local et alors, oui, ça peut marcher, ça bourgeonne et puis finalement ça fonctionne.

Je peux vous dire qu’au travers de mon expérience, il y a partout des histoires comme ça dans ce pays et quand on jette un coup d’œil en arrière, quand on regarde dans le rétroviseur, on se rend compte qu’on vient de très loin et que le résultat est magnifique. Il y a plein d’endroits, partout au Burkina, où nous sommes arrivés à une évolution, à un résultat qu’on aurait cru impossible au départ. »