Béoogo Néere - Coopération Internationale Asbl

" Ensemble pour demain "

Belgique - Burkina Faso

L’artemisia, un projet qui s’enracine à Pissi

Dans le cadre de la lutte contre le paludisme, notre projet « artemisia«  se concrétise depuis deux ans avec les acteurs locaux. Il est en passe de trouver son autonomie comme le prouve l’évaluation qui en a été faite au cours de la dernière mission des membres de notre association en novembre 2021.

 

Les ravages dus au paludisme restent un problème majeur de santé, particulièrement en Afrique où les médicaments vendus par l’industrie pharmaceutique sont souvent trop coûteux pour des populations démunies. De plus, on constate que le plasmodium (le parasite responsable de la malaria), développe une résistance aux divers médicaments qui ont été utilisés au fil des décennies…

Les propriétés antipaludéennes de l’artemisia sont connues depuis au moins deux millénaires, notamment en Chine; elles ont suscité l’intérêt de chercheurs pour la création de nouveaux médicaments.

Il apparaît cependant que, depuis plusieurs années, l’usage d’une simple tisane d’artemisia dans la lutte contre le paludisme se répand dans de nombreux pays, non seulement en Afrique, mais partout où la malaria est présente, apportant  une solution efficace et bon marché, accessible à l’ensemble des populations. Diverses associations s’emploient donc a répandre la culture de cette plante.   C’est grâce aux contacts avec l’association présidée par le Dr Roland Moens que notre petite asbl a entrepris le développement de la culture de l’artemisia à Pissi. 

 

Un des objectifs de la mission de trois membres de notre association (en novembre 2021) était de faire une évaluation de ce projet avec les acteurs locaux  et d’envisager, avec eux, les perspectives d’avenir.

Pour la circonstance, Seydou Zoné, le responsable de la « Maison de l’Artemisia » du Burkina Faso, a fait le déplacement en bus depuis Ouahigouya, ville du nord du pays, à plus de 200 km de Pissi. Arrivé en fin de journée, le lundi 15 novembre 2021, au Centre Béoogo Néere où son hébergement était prévu, il a souhaité, avant la tombée de la nuit, aller constater l’évolution des cultures d’artemisia sur les deux parcelles qui y sont consacrées depuis la formation qu’il avait personnellement dispensée à 12 agriculteurs en mai 2021. Ces deux parcelles clôturées, d’environ 100 m² chacune,  permettent au total le développement d’une petite centaine de plants. Les agriculteurs stagiaires se sont divisés en deux groupes de six permettant ainsi un roulement au sein de chaque équipe pour l’entretien, la surveillance et l’irrigation des cultures.

D’emblée, il a montré sa satisfaction devant la bonne santé et la qualité des plants en indiquant de suite ceux qui étaient à maturité pour être récoltés dans l’immédiat et destinés à être séchés pour la production de tisane et ceux qui présentaient une floraison abondante à laisser en place encore quelque temps pour la production des graines en prévision du prochain semis.

 

Seydou Zoné examinant les plants d’artemisia sur l’une des parcelles de culture d’artemisia en compagnie de Paul Calus, Sébastien Sawadogo et Claudy Mohy
Réunion au Centre Béoogo Néere le 16 novembre 2021 avec Seydou Zoné, responsable de la Maison de l'artemisia du Burkina Faso et les agriculteurs engagés dans le projet de culture de l'artemisia à Pissi

Pour la journée du lendemain, une réunion avec les agriculteurs stagiaires était prévue dès 6h30 le matin au centre Béoogo Néere (au Burkina Faso, on se lève avec le soleil, à 6h00, la reprise des activités se faisant dans la foulée).

Cette réunion a permis à chacun de partager son expérience de la culture de l’artemisia au cours des six derniers mois, depuis le stage de formation, de faire part des difficultés rencontrées et des interrogations, et d’obtenir des éclaircissements et des conseils nécessaires pour la suite du projet.

 

Il ressort aussi de ces échanges que le projet rencontre un vif intérêt de la part des habitants de Pissi, mais également de ceux des localités voisines : ils ont entendu parler du projet et des résultats très positifs apportés par l’artemisia en matière de thérapie chez ceux qui ont bénéficié des premiers sachets de tisane (il s’agit de la première petite récolte, issue des semis du stage). Déjà la demande se fait pressante et il est certain que la production prochaine des deux cultures actuellement en cours va très vite trouver preneurs. Il est donc urgent d’envisager l’extension des surfaces de culture en les multipliant par quatre ou cinq.

 

Sachets d’artemisia prêts à la vente

Pour l’anticiper, Béoogo Néere-CI a remis au groupement des agriculteurs un lot de 400 sachets pouvant contenir 40 grammes d’artemisia séchée (soit la dose recommandée pour le traitement d’un cas de paludisme en 7 jours). Nous avons collé sur ces sachets des étiquettes avec le mode d’emploi de la tisane.  Il y a aussi une version « dessinée » du mode d’emploi sur des affiches à l‘attention de celles et ceux qui ne savent pas lire.

Après cette réunion, en milieu de matinée, l’ensemble du groupe s’est déplacé vers les deux lieux de culture pour des conseils sur le terrain et une nouvelle formation destinée, cette fois, à la culture d’une autre variété d’artemisia, l’artemisia « afra » qui, bien que ne contenant pas d’artémisinine, possède pourtant des propriétés antipaludiques équivalentes à celles de l’artemisia « annua ».

 

 

Modèle d’affiche pour expliquer la préparation de la tisane d’artemisia et son mode de prise

Comme le laisse entendre sa dénomination, l’artemisia « annua » est une plante annuelle dont la durée de vie, du semis à la récolte, s’étend sur environ 10 mois. Pour une récolte future, il sera indispensable de procéder à un nouveau semis au début de la prochaine saison. L’artemisia « annua » est aussi une plante beaucoup mieux acclimatée aux latitudes tempérées où elle pousse sans devoir être l’objet de soins particuliers. Ce n’est pas le cas en Afrique où elle doit être cultivée avec des soins vigilants, notamment en matière de fumure et d’irrigation. On le voit très clairement lorsqu’on est attentif à la taille des plants d’artemisia « annua » : ils atteignent une hauteur de 1 m 80 à 2 m  lors de la floraison chez les membres de BNCI  qui ont fait l’expérience de la cultiver en Belgique ou en France en 2020 et 2021 … alors que la même plante en bonne santé dépasse rarement les 60 cm à Pissi au même degré de maturité.

 

 

L’artemisia « afra », comme son nom l’indique, est quant à elle originaire des régions d’Afrique de l’est ou du sud où elle pousse naturellement, plutôt en zones montagneuses, entre 1.500 m et 3.000 m d’altitude (Ethiopie, Kenya, Tanzanie, Ouganda, RDC, Zambie, Zimbabwe, Angola, Namibie, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique et Afrique du Sud).

Tout comme sa cousine, l’artemisia « annua », elle est de la famille des Asteraceae,  mais, c’est une plante vivace buissonnante dont la taille peut varier de 60 cm à 2 m.  Son développement est cependant plus lent que celui de l’artemisia « annua » mais elle présente l’avantage d’être résistante à la sécheresse et de pouvoir être récoltée tout au long de sa croissance, selon les besoins. Elle produit difficilement des graines viables : pour sa reproduction, il faut donc privilégier, le marcottage ou bouturage.

 

Devant les bons résultats de la culture d’artemisia « annua » et la nécessité d’étendre la surface qui lui est consacrée, Monsieur Seydou Zoné estime que l’introduction de la culture en parallèle de la variété « afra », plus simple et plus adaptée à la région, ne peut être que bénéfique pour les agriculteurs. Ils vont pouvoir constituer un stock avec l’artemisia « annua » pour répondre à la demande et pourront disposer tout au long de l’année de réserves « sur pied » avec l’artemisia « afra ». A plus long terme, cela devrait aussi permettre à la population de cultiver quelques plants de cette dernière variété dans le contexte familial pour ses propres besoins.

La proposition de rejoindre le réseau des « Maisons de l’Artemisia » a été faite au groupe des agriculteurs et BNCI les soutiendra bien évidemment dans cette démarche si tel est leur souhait, avec, par exemple, la mise à disposition d’un local de stockage et de vente, à l’instar de ce qui a été fait à Thyou sous l’égide du docteur Roland Moens et de son association, Artemisia Thyou Burkina Faso (ATBF).

Pour cette petite formation, Monsieur Seydou Zoné avait prévu de procurer aux différents membres du groupe un stock de semences des deux variétés d’artemisia. Nous découvrirons les résultats dans quelques mois. De toute manière, la motivation de l’ensemble des acteurs de ce projet est au top.

 

A suivre donc…